J’ai débarqué aux Philippines pour la première fois en avril 1991 en réponse à une jeune fille qui avait passé une annonce pour trouver un mari. Elle, voulait épouser un occidental pour s’assurer une vie plus confortable et pouvoir aider sa famille. Moi, j’étais toujours à la recherche d’une « vraie jeune fille » (introuvable en occident et bientôt, vue l’évolution de la société après vingt ans, introuvable aux Philippines aussi) pour fonder une famille dans la pure tradition catholique car je suis catholique pratiquant et je ne conçois pas le sexe en dehors du mariage. Elle avait reçu des lettres de 54 occidentaux, Américains, Français, Espagnols, Italiens, Allemands, Belges. J’ai pu lire toutes les lettres. Je n’étais pas le plus riche, ni le plus beau, ni le plus jeune mais j’étais le seul à lui avoir écrit que je voulais fonder une famille qu’à la condition expresse qu’un sentiment d’amour ait pu éclore entre nous. Et puis c’est vrai que je lui ai créé une chanson et cela a dû jouer en ma faveur. Finalement c’est moi qui ai remporté la compétition et ai été l’élu de son cœur. Nous avons célébré les fiançailles mais j’ai dû attendre quatre ans pour le mariage car la demoiselle n’avait que quatorze ans alors qu’elle m’écrivait qu’elle en avait dix-huit. L’oncle Serapino (le policier qui m’a amené jusqu’à la maison) a sifflé toute la bouteille de cognac que j’avais apportée et à la fin du repas j’ai eu le droit de faire un premier bisou (très chaste). Ce fut pour moi un grand moment de bonheur et le début d’une nouvelle vie après de longues années de solitude et d’abstinence. Mais je vous rassure tout de suite autant mon épouse que moi voulions préserver sa virginité jusqu’au mariage. C’était donc encore une « vraie jeune fille » le jour de ses noces, à dix-huit ans et nous allons dans quelques jours fêter nos dix-neuf ans de mariage. C’est vrai qu’à mon retour en France des événements heureux mais inattendus se sont produits qui ont changé ma vie.
A cette époque le pont sur la rivière entre Albuera et Taroc était en construction. Nous sommes passés à gué. J’y suis resté deux mois la première fois, j’étais le seul occidental dans tout le secteur (aujourd’hui il y en a pas mal surtout américains, australiens ou allemands). L’année suivante j’y revenais quatre mois et en 1993 je m’y installais pour près de trois ans. C’est ce long séjour passé dans la famille de mon épouse qui m’a permis de découvrir de l’intérieur les facettes cachées de la culture philippine et grâce à quoi j’ai pu publier aujourd’hui mon livre « Découverte de la culture philippine » ma belle-mère étant particulièrement à cheval sur la tradition et étant fille de chaman fervente adepte des croyances animistes bien que bonne chrétienne. A l’époque il n’y avait ni eau courante ni gaz dans la maison. Les lits n’avaient pas de matelas non plus. On dormait sur des planches. J’avais pu faire construire un bateau à balanciers de 15 mètres avec un double pont espérant trouver des clients pour une croisière touristique. Mais à l’époque il n’y avait pas de téléphone au village et même beaucoup de maisons n’avaient pas l’électricité. Internet n’existait pas et je n’ai pas trouvé de clients et ai dû rentrer en France en mars 1996, avec femme et enfant (où j’ai vécu quatre ans au RMI, c’est-à-dire dans la grande pauvreté). En 1994 j’achetais la plage de Kayag ang (5000 m²) pour l’équivalent de 9000 euros pour offrir en cadeau de mariage à ma fiancée. L’année dernière un Français que je connais a acheté une plage de 700 m² à 3 km d’ici 3000 pesos, soit 51 euros le m². Cette plage se situe à un kilomètre de Taroc, le village de mes beaux-parents et j’aimais beaucoup cet endroit. A l’époque il n’y avait ni eau ni électricité et même pas de route pour y accéder. J’avais commencé à construire une grande maison de type traditionnel, c’est à dire en bambou avec toit en nipa mais avec les armatures en béton armé. Faute d’argent je n’ai jamais pu la terminer. En 2012 ayant quelques économies (en réalité je me suis serré la ceinture toute ma vie) et le petit héritage de ma mère nous avons décidé de construire une nouvelle maison mais cette fois ci en dur. On peut avoir une grande maison sur la plage pour le prix d’un petit studio à Paris (un très petit). C’est mon épouse qui s’est chargée de ce travail car, bien qu’en retraite, je travaillais à conduire le petit train de Montmartre et n’ai pu venir que pour le mois d’août (c’est dommage que je n’aie pas pu venir plus tôt car j’aurais pu éviter certaines erreurs dans la conception de la maison). Elle a réussi à faire venir l’électricité et l’eau courante. Elle a aussi fait détruire les vestiges de la première maison dont le ciment avait été fait avec du sable de la plage, donc salé, donc désastreux pour le ciment. Elle a dû aussi édifier un mur d’enceinte de chaque côté, l’arrière de la plage étant bordé par un marécage de nipa (plante à grande tige poussant les pieds dans l’eau et qu’on utilise pour fabriquer les tuiles des maisons traditionnelles) traversé par une rivière. Ces murs imposants ont été édifiés à grand peine car baignant dans l’eau. À ce moment-là, j’ai pu également enfin acheter le terrain qui borde l’autre côté derrière le nipa pour obtenir finalement un terrain de près d’un hectare. La construction de la maison a été un énorme travail car il a fallu creuser des fondations pour les piliers très profondes et très volumineuses afin d’éviter que la maison ne penche car construite sur du sable avec l’eau en dessous. J’ai tenu à ce que les murs soient très hauts (3,40 m) afin d’avoir une température agréable à l’intérieur. Ces murs sont aussi beaucoup plus épais que les murs habituels en parpaings standards. Et je n’ai pas mis de plafonds fermés. Ainsi, comme dans toutes les maisons traditionnelles philippines, l’air passe au-dessus des pièces et la température reste agréable et nous n’avons pas besoin de l’air conditionné. Les plafonds sont en panneaux d‘amakan (rafia tressé). Dans une maison moderne avec des murs de 2,50 m avec des plafonds fermés on est obligé d’installer l’air conditionné pour ne pas étouffer et on y gèle. Quand les murs et le toit furent terminés on a bâti un sea wall le long de la plage, c’est à dire un mur très épais destiné à arrêter les vagues en cas de typhon. C’est obligatoire aujourd’hui et nous avons reçu la visite de l’inspecteur venu contrôler si le mur correspondait aux normes aujourd’hui très sévères. La construction de ce mur, long de 70 mètres, a nécessité l’emploi d’une quinzaine d’ouvriers pendant plus de trois semaines, 400 sacs de ciment, 52 camions de grosses pierres, 500 mètres de fer à béton de gros calibre. Cela a été un véritable travail de titans et nous sommes très heureux du résultat terminé en septembre 2012. Nous sommes surtout très heureux qu’il ait résisté à Yolanda. On est tranquille pour les autres typhons à venir car on a vu plusieurs sea-walls détruits. Retour en France pour plus d’un an et finition de la maison (peinture, plomberie, carrelage, électricité) envisagée à partir de septembre 2013 (pas avant car notre fille commence ses études supérieures et on doit l’installer à Poitiers avant de partir) mais repoussée à fin novembre car j’ai dû subir l’opération de la cataracte des deux yeux. C’est cette opération inopinée de la cataracte qui a fait que nous n’étions pas là le 8 novembre et je le regrette vraiment.
La famille complète sur la Pierre turquaise
Notre fille Aliénor et notre fils Joachim
Le toukou, notre animal de compagnie