Contribution à l’étude de la Culture de l’âge du bronze à partir des toponymes
par Jean-Michel HERMANS
J’ai été agréablement surpris en lisant dans la revue de la SEFCO, Aguiaine, une question de M.Jacques Courcier à propos de l’étymologie de Saint Pierre de Juillers car c’est un sujet qui me préoccupe depuis une bonne dizaine d’années. J’ai été enchanté de voir que je n’étais pas le seul à m’en soucier. La réponse de M.Louis Foucher, de Saint-Jean d’Angély, très savante, dénotant une parfaite connaissance tant des théories linguistiques habituelles basées sur l’origine latine que de la dialectologie du saintongeais, bien que digne d’intérêt, m’a laissé sur ma faim. Je voudrais écrire ici tout ce que m’inspire ce toponyme Juillers. Je ne suis pas linguiste mais ethnologue de formation et mon approche est totalement différente en ce qui concerne l’étymologie des toponymes de Saintonge, comme d’ailleurs des autres régions qui formaient les Gaules il y a deux millénaires. C’est certainement ma passion pour la civilisation des mégalithes qui m’influence dès le départ dans mon étude des toponymes car je reste intimement persuadé qu’un très grand nombre d’entre eux remonte à la nuit des temps et n’a absolument rien à voir ni avec le latin ni avec la langue franque, pas plus qu’avec le celte qui a pourtant été la langue commune à tous les peuples de l’Europe occidentale pendant plus de mille ans. Nos ancêtres n’ont pas attendu l’arrivée des troupes romaines pour donner des noms aux différents endroits de leur territoire. Généralement les nouveaux arrivants ont tout bêtement ou tout logiquement repris le nom déjà en usage chez les autochtones. Ce qui a pu changer au cours des siècles c’est la prononciation de ces noms. Tous ceux qui se sont un peu penchés sur les problèmes de linguistique ou encore mieux de dialectologie savent combien les voyelles sont changeantes. Le é et le i, le a et le o, le o et le e, etc, passent d’une voyelle à l’autre allègrement au cours des temps et selon les endroits. Il en est de même pour les consonnes. Il suffit de comparer quelques langues entre elles pour s’en rendre compte. Le b et le v, le s et le x, le v et le w, le p et le f, le t et le d, le r et le l, etc… se mélangent et se confondent. La Boutonne, si chère à mon cœur, s’est prononcée Voutonne, et en fait Voutoune en patois. Mais curieusement ces évolutions fréquentes touchent beaucoup plus les toponymes moins anciens que ceux remontant à la préhistoire qui sont quasiment toujours à deux syllabes seulement. Certains changements dans la prononciation du nom sont très récents. Ainsi Aulnay n’a eu son l d’ajouté qu’au XIXème siècle. La vraie prononciation est Aunay. Le patois nous est très utile car il a gardé une prononciation beaucoup plus proche de l’original que le français moderne. Je considère que l’on peut classer les toponymes de l’Aunis, du Nord-Saintonge et du Sud-Poitou en différentes catégories bien distinctes, et ce sont ces différentes catégories que je vais essayer de définir dans ces quelques pages.
1) Toponymes pré-celtiques :
Juillers entre dans cette première catégorie de toponymes, les plus anciens, déjà en usage avant les Gaulois. Lorsque les Celtes ont envahi l’Europe occidentale ils étaient des barbares. Ils sont arrivés chez un peuple hautement civilisé dont la culture était basée sur l’étude et la vénération de la géométrie, de l’arithmétique et de l’astronomie. Nous les appellerons, pour simplifier, les Mégalithiques, car ce sont eux qui ont érigé partout dolmens, menhirs, tumulus, cromlechs et autres alignements dont nous ignorons encore la destination. Tous ces édifices n’étaient pas dressés au hasard mais étaient disposés selon des critères très rigoureux où se mêlent l’astronomie, la géométrie pythagoricienne (Clément d’Alexandrie nous rapporte dans ses « Stromates » que Pythagore a emprunté sa doctrine aux druides gaulois) et la science des nombres. Il suffit pour en être convaincu d’étudier les alignements de Montguyon, pour prendre un exemple saintongeais. Il y a beaucoup d’autres sites en France et en Europe mais nous avons la chance d’en avoir au moins un en Saintonge qui est d’ailleurs d’un très grand intérêt et dont l’inventeur est M.Bordelais, architecte à Montguyon. Cavaliers rustres mais sachant travailler le fer et fabriquer des roues, les Celtes, devenus les Gaulois, ont emprunté une grande part de leur savoir aux peuples indigènes qu’ils ont envahis pour donner naissance au druidisme. Ils étaient les premiers européens de l’ouest à parler une langue indo-européenne. Les auteurs romains nous ont rapporté que les druides gaulois connaissaient les dimensions de la Terre, ce qui laisse supposer qu’ils étaient plus évolués dans certains domaines de la connaissance que ces mêmes Romains qui passent pourtant pour être civilisés. Ceci n’a rien d’extraordinaire. Les Mégalithiques ont tout simplement effectué l’expérience qu’Eratosthène conduira en Egypte quelque deux mille ans plus tard. Un des meilleurs exemples de la continuation de cette fabuleuse connaissance de la géométrie (l’art du trait qui se perpétua, après les druides gaulois, chez les constructeurs de cathédrales) se retrouve dans la structure de la « tour celtique » d’Aulnay de Saintonge, qui a d’ailleurs donné son nom à l’église Saint Pierre de la tour. Il n’en reste plus, hélas, que les fondations visibles seulement d’avion. Des membres de l’Association d’histoire et d’archéologie d’Aulnay en ont fait le relevé et cela suffit pour constater que la structure géométrique de l’édifice, mesurée au centimètre près, est basée sur une étonnante progression du nombre d’or [1] . Il suffit d’avoir une calculette pour le vérifier. Je me permets de préciser pour tous ceux qui ne seraient pas très familiarisés avec les problèmes de géométrie qu’il n’est absolument pas nécessaire de savoir extraire une racine carrée pour obtenir le nombre d’or, c’est un nombre « géométrique » qui peut s’obtenir par traçage sur le sol et pour cela une corde à 12 nœuds suffit (la corde à 12 noeuds a été inventée par les Mégalithiques et on la retrouve ensuite en Egypte, chez les Compagnons du tour de France et même aujourd’hui dans les loges maçonniques). J’ai personnellement calculé l’unité de mesure qui fut utilisée par les Gallo-Romains pour construire leur tour-temple. Ayant calculé également celle utilisée à Montguyon trois ou quatre millénaires auparavant par les Mégalithiques j’ai constaté que les deux coudées utilisées étaient identiques, à quelques millimètres près. Les architectes de la tour d’Aulnay possédaient donc leur savoir de la tradition druidique et non pas des constructeurs romains. Je n’ai choisi volontairement que deux exemples situés en Saintonge mais il y en a de nombreux tout aussi fabuleux en Angleterre (Stonehenge), en Irlande (New Grange), en Bretagne (Carnac et le rectangle de Crucuno) et ailleurs. Nous nous sommes éloignés des toponymes mais c’est pour mieux y revenir car ces hommes du mégalithisme, les premiers agriculteurs de notre pays, furent aussi les premiers à occuper l’espace de façon quelque peu ordonnée. Avant eux, les chasseurs-cueilleurs du paléolithique et du mésolithique vivaient disséminés au gré des abris sous roche, des sources et des zones giboyeuses. Les Mégalithiques, eux, avaient l’obsession du découpage géométrique et astronomique de leur territoire dans lequel intervenaient forcément des critères religieux. Et cela peut se retrouver dans les toponymes qu’ils nous ont laissés. J’ai tout particulièrement étudié la zone autour d’Aulnay de Saintonge d’où est originaire ma mère et j’ai constaté une certaine logique dans la répartition des toponymes. Toutes les recherches que j’ai effectuées sur la géographie « sacrée » de ce secteur m’ont amené à conclure qu’Aulnay était le grand centre sacré de toute la région trois mille ans avant notre ère. Apparemment la répartition des toponymes sur le territoire était liée à l’existence de ce centre sacré situé à Aulnay. Cette étude mérite une publication à elle seule car elle nécessite un très long développement. Juillers (jui-yé) fait partie des nombreux toponymes que je considère d’origine néolithique. Ils ont tous les mêmes caractéristiques. Premièrement ils ne comportent dans 99% des cas que deux syllabes que l’on peut logiquement supposer être chacune une racine. Cela nous fait penser que la langue des Mégalithiques devait être monosyllabique. Sinon nous aurions des toponymes aussi à trois ou à quatre syllabes. C’est une caractéristique que les linguistes accordent généralement aux langues originelles très anciennes. Les seules langues monosyllabiques connues aujourd’hui sont les langues de la famille chinoise. Nous connaissons seulement quelques très rares racines ou mots pré-celtiques. Je citerai pour exemples : suc qui désigne une montagne, cu qui désigne une colline (qui a donné en français le mot monticule et les toponymes Montcuq dans le Lot et Le Cul dans le canton de Brioux), dre qui désigne une rivière, cha qui désigne une pierre. Ainsi on trouve la Combe aux chats à Saint Jean d’Angély, Paizay le chapt dans les Deux-Sèvres, le Bois du chat à Saint-Séverin sur Boutonne, Gratte-Chat à Médis, Villefranche de Lonchat en Dordogne, Le Fief du chat à Saint-Léger, La Haie aux chats dans le Loir et Cher, La roche aux chats en Vendée, la rue du chat à Angoulême, la rue des chats à Troyes, la rue du gros chat à Montmorency, Le Chay tout près de Saint Martin de Juillers, la pointe du Chay à Angoulins sur mer et de nombreux Chail un peu partout. Le mot est resté en patois pour désigner un caillou, chail étant un diminutif de cha. La seconde caractéristique de tous ces toponymes pré-celtiques est qu’ils se terminent tous par le son é, en ce qui concerne le secteur où se situe Saint Pierre de Juillers. Dans d’autres régions le é devient i (Juilly) ou ac dans les zones de langue d’oc (Juillac) se prononçant â en Saintonge. Dans le nord Saintonge, l’Aunis et le sud du Poitou la voyelle finale est donc é qui peut s’écrire de différentes façons (Néré, Marsais, Reigner, Juillers, Aulnay, Bouhet).
J’ai relevé tous les toponymes de la région qui nous intéresse qui possèdent ces deux caractéristiques afin d’essayer d’en rechercher les racines originelles. On peut remarquer que c’est la seconde racine qui semble être la plus déterminante. La première racine est beaucoup plus variée. Ainsi nous avons, (liste non exhaustive) :
Ré: Aigré, Alleré, Aytré, Blameré, Ciré, Civray, Cléré, Contré, Curé, Doret, Landrais,Loiré, Longré, Lusseray, Mazeray, Migré, Néré, Nogeret, Péré, Suiré, Thairé, Vandré, Raix, Ré, Retz, Saint-Georges de Rex et l’Ile de Ré…
Zé : Annezay, Azé, Banzais, Blanzay, Chizé, Curzay, Granzay, Lezay, Loizé, Lozais, Maillezais, Mauzé, Paizay, Sauzé, Sazais, Sazay, Trizais, Varzay…
Sé : Arçais, Bessé, Cressé, Dissé, Lussais, Luxé, Marsais, Narçay, Parçay, Pioussay,Poursay, Prissé, Sansais, Torxé, Voissay, Voussais, Plassay …
Yé: Chaillé, Chillé, Juillé, Juillers, Maillé, Nuaillé, Paillé, Peuillet, Villiers, Vouillay, Vouillé…
Gné: Bignay, Cugné, Leigné, Ligné, Magné, Reigner, Seigné, Vergné …
Né: Anais, Aunay, Bernay, Caunay, Marnay, Mornay, Tonnay, Tournay…
Wé : Bouhet, Douhet, Jouet, Vouhé…
Lé : Beurlay, Loulay …
Gé: Augé, Beaugeay …
Vé: Beauvais, Chevais …
Ché: Luché …
Pé: Crepé
Té: Genté
Notons que si l’on remonte dans le Poitou et jusqu’en Picardie il existe des centaines de toponymes pré-celtiques à deux syllabes et se terminant en é. En Ile de France et plus à l’est ils se terminent plutôt en y. La paléo-linguistique est une des tâches des plus ardues qui soient. Dès le XVIIIème siècle certains érudits ont essayé de retrouver les racines de la « langue originelle » et les philologues les plus savants se sont hasardés à des extrapolations des plus douteuses. Néanmoins, avec ces toponymes pré-celtiques, nous avons une petite base relativement sérieuse car nous sommes en droit de supposer être en présence des noms d’origine. Quel est leur sens? Sans vouloir trop approfondir la question qui sera développée dans l’article sur la géographie « sacrée » d’Aulnay je peux déjà émettre l’hypothèse que la racine Ré désignerait le soleil ou plutôt le Dieu-Soleil. Ce qui ne devrait pas être très surprenant pour une civilisation basée sur l’adoration de notre « astre du jour ». En effet j’ai constaté que tous les toponymes se terminant en Ré se situent dans les deux zones de lever et de coucher du soleil par rapport à ce centre qui est Aulnay. Ces deux portions de cercle enfermant les lignes de lever et de coucher du soleil ne représentent qu’une toute petite partie du territoire. Et le fait que l’on ne trouve aucun toponyme en ré en dehors de ces deux petites sections peut difficilement être accordé au hasard. Cette petite découverte fortuite m’a énormément surpris étant donné que Ré en Dieu-Soleil nous amène automatiquement à penser à la religion égyptienne. Mais ce n’est pas parce qu’une chose peut paraître incroyable qu’elle n’est pas vraie. Cela serait la preuve manquante qui confirme ce que certains supposaient, à savoir les liens qui ont pu avoir lieu il y a près de six mille ans entre les Mégalithiques et l’Egypte. Ce n’est pas une surprise pour qui a étudié un peu les similitudes dans la science géométrique des deux civilisations. Notons que ce Ré en Dieu-Soleil chez les Mégalithiques d’Europe occidentale est antérieur au Ré égyptien. En tout cas cela nous indique que la deuxième racine du nom serait la plus importante. Et l’on peut conclure de cette observation que l’île de Ré était pour les hommes de l’âge du bronze l’île du Dieu-Soleil. Il faut noter que le seul toponyme à syllabe unique est précisément Ré (Raix, lieu-dit Raix, lieu-dit Ré, village Ré de l’autre côté de la forêt d’Aulnay, Saint-Georges de Rex, Pays de Retz et île de Ré) ce qui indique l’importance de ce nom pour les Mégalithiques (il existe une forêt de Retz en Picardie). Très curieusement dans la mythologie régionale (abbé Mongis) Rô est un être monstrueux qui peut déclencher des tempêtes terribles. La légende raconte qu’il a été tué à coup de flèches par sept chevaliers en armure et que son corps a été jeté dans un trou au sein du cromlech aujourd’hui disparu de la Pointe du Chay. La tradition populaire prétend qu’on l’entend encore gronder les jours de tempêtes. Comme par hasard ce mystérieux Rô se retrouve directement lié aux mégalithes dans les légendes de l’Aunis. D’autre part, ceux qui ont étudié d’assez près le patois savent combien la voyelle o est souvent proche de la voyelle e, et la voyelle a se rapproche parfois du o. Ce ô est donc une variante du é de Ré et on peut logiquement supposer que ce terrible monstre Rô n’est autre que le dieu Ré des Néolithiques, redouté par les envahisseurs Gaulois, diabolisé par les évangélisateurs chrétiens et dont le souvenir a perduré au travers des légendes de la mythologie aunisienne. Notons au passage que le dieu Râ ou Rê des Egyptiens est, lui aussi, devenu Rô en langue copte, la langue égyptienne qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours dans la liturgie copte. Le soleil se dit aussi Ra dans certains idiomes amérindiens d’Amérique du sud et en maori. Les toponymes en zé, eux, se situent tous au nord du parallèle d’Aulnay à une exception près qui est limite. On peut en conclure que la racine zé pourrait signifier le nord, à moins qu’elle ne désigne le nom d’un clan qui aurait occupé cet espace bien délimité géographiquement. A partir de la racine ré qui signifierait soleil, on peut essayer de trouver un sens aux racines qui lui sont accolées. La plus évidente concerne le né de Néré. Néré est dans l’alignement exact du lever du soleil au solstice d’hiver. C’est donc le nouveau soleil qui renaît au début de la nouvelle année solaire. Né pourrait donc signifier nouveau, voire carrément nouveau né. Là encore nous retrouvons une racine qui existe en grec (néo), en français (neuf, naître, né), mais aussi en anglais (new), dans les langues germaniques et d’autres langues (no en roumain). Cela nous laisse supposer que les Italiques, ancêtres des Latins, comme les autres peuples de l’Europe occidentale, auraient fait quelques emprunts auprès des peuples autochtones de l’âge du bronze. Le village de Ré semble, lui, être aligné sur le lever du soleil au solstice d’été, quand le soleil déploie au maximum sa course dans le ciel. Y aurait-il un rapport entre le Ré mégalithique et le Rex latin ? Peut-être ? Il faut savoir qu’en gaulois l’équivalent de rex est rix, or il est absolument certain que la langue gauloise ne doit rien au latin. Je pense avoir trouver d’ailleurs d’autres mots quasiment identiques en gaulois et en latin qui ne peuvent avoir leur origine que dans la langue des néolithiques mais cela doit faire l’objet d’une autre publication. Toujours est-il, le fait que ce «nouveau soleil » soit bien dans l’alignement du lever au solstice d’hiver confirmerait le sens de soleil pour Ré. Je pense d’ailleurs que si Aulnay a été choisi comme lieu sacré c’est précisément parce que c’est le seul endroit de toute la région à partir duquel on a une ligne de visée de dix kilomètres pour observer le lever du soleil au solstice d’hiver. Quasiment tous les sites mégalithiques sont orientés sur un lever ou un coucher du soleil à un solstice, ce qui n’a rien d’étonnant puisque la religion de cette culture de l’âge du bronze est basée avant tout sur l’adoration du Dieu-Soleil. Tous ces toponymes à deux syllabes et terminés en é ont une troisième caractéristique essentielle. Dans 95% des cas ils correspondent à une commune. C’est à dire dans 95% des cas à un village doté d’une église. Cela n’est pas sans signification. Or il existe des centaines de hameaux et de lieux-dits dans la région. Ceux-ci ont tous une étymologie latine. Ils sont très différents des toponymes pré-celtiques à deux syllabes. En fait tous les ouvrages savants qui traitent de l’étymologie des noms de lieu de France ne traitent que des toponymes ayant une origine latine (bas-latin, français, patois, occitan), celte ou franque. Ils ignorent superbement tous les toponymes d’origine pré-celtique (Aunay, Néré, Chizé, Paré, Torxé, Lozay, Bignay, Contré, Paillé, Blanzay, etc, etc…) sauf ceux comme Juillers auxquels il est si facile d’imaginer une origine latine. Pour tous nos étymologistes distingués Juillers vient forcément de Julius, propriétaire foncier gallo-romain et l’affaire est réglée. Curieusement, alors qu’on serait bien en peine de retrouver le nom des propriétaires fonciers d’il y a quatre ou cinq siècles, presque tous les spécialistes en étymologie parviennent à retrouver le nom d’un propriétaire foncier gallo-romain d’il y a presque deux mille ans et ce pour quasiment chaque village. N’est-ce pas extraordinaire ? On peut considérer cela comme un vrai miracle. Personnellement, ce qui m’a toujours frappé en ce qui concerne Saint Pierre et Saint Martin de Juillers, villages que je connais d’ailleurs assez bien, c’est précisément le fait que l’on ait christianisé ces deux sites. Pourquoi ne pas les avoir appelé tout simplement Juillers tout court ? Parce que le toponyme d’origine est jui-yé (ou wui-yé, on ne sait pas exactement) mais que ces sites étaient le lieu de pratiques religieuses païennes que notre bon Saint Martin s’est justement employé soit à détruire carrément, soit à transformer en lieu de culte chrétien. C’est la raison pour laquelle Saint Martin est le toponyme le plus répandu de France. On en trouve partout. Rien que dans le secteur se situent une Chapelle Saint Martin à côté de Saint Hilaire de Villefranche et une fontaine Saint Martin à Saint Georges de Longuepierre. Mais comme il y avait deux lieux différents bien que très proches, l’autre s’est appelé Saint Pierre. Or Saint Pierre et Saint Martin sont les deux saints qui ont été utilisés avant tous les autres pour christianiser des sites sacrés païens où l’on vénérait des pierres (généralement un menhir). Saint Pierre puisque c’était justement une pierre qui était sacrée et Saint Martin puisqu’il a été le premier grand destructeur de monuments mégalithiques (suivi quelques siècles plus tard par Charlemagne qui a continué le travail de destruction systématique qui a été parachevé récemment suite au remembrement des terres agricoles). Ce qui me frappe à Saint Martin de Juillers c’est la grosse pierre que l’on peut voir au bord de la rue de Saint Pierre, manifestement rapportée là d’un champ alentour. Elle n’est pas sans rappeler la « Pierre de la mort » de Hérisson à Chantemerle sur la Soie. Et à quelques pas, aux Gâtineaux, en bordure de la rue de l’école, on peut voir un monolithe dressé, quelque peu retaillé mais qui ressemble fort à un menhir néolithique. A Saint Pierre de Juillers il y a deux toponymes concernant des terres cultivées supposant l’existence de menhirs : le Grand Cloud et le Petit Cloud. Il y a également le hameau de La Mère au Roc. On peut d’ailleurs voir tout à côté, le long de la route d’Aulnay, deux bordures de champs colossales très certainement taillées dans des menhirs déplacés. Tout cela m’a amené à penser que le toponyme Jui-yé était en rapport avec un site mégalithique important. Or Juillac le coq est situé près du magnifique dolmen de Saint Fort sur le Né. Juillé, en Charente, est lui aussi tout près de plusieurs dolmens. Le Juillé des Deux-Sèvres est à côté de Paizay le Chapt. Or cha, comme nous l’avons vu, désignait une pierre dans la langue des Mégalithiques. Cela suggère l’existence d’un mégalithe important aujourd’hui disparu. Quant au Juillé de la Vienne, je ne le connais pas, mais s’il s’avérait être lui aussi près d’un mégalithe, ma théorie s’en trouverait corroborée. Ne pensez pas que ma manie de voir des mégalithes partout où un toponyme semble l’indiquer est farfelue. Je l’ai vérifiée sur le terrain à de nombreuses reprises. A Chanteloup, près de Cognac, chacun peut effectivement voir les restes d’un cromlech et dans le quartier de Gratte Moine à Saint Jean d’Angély trône encore un petit menhir qui a été retaillé (loup et moine étant les deux principaux toponymes liés aux mégalithes). En fait la chasse aux menhirs est l’une de mes occupations favorites. Et j’he peux vous açartainer que xielles saprès piarres avant bein d’la foutue malice. Elles sont teurjou saquées-t- en des endrets voure qu’le monde les voueyant pas, souventes foués dans-n-ine palisse oub encouère capit sous des érondes en piein mitan d’in boué. Mais avec un peu de flair et un œil inquisiteur on arrive à les dénicher quand même. Je pourrais en écrire vingt pages sur mes recherches de mégalithes en Aunis et Saintonge et cela fera sûrement l’objet d’un autre article. Au temps des Gaules notre beau pays était encore quasiment entièrement recouvert d’épaisses forêts. Les toponymes pré-celtiques correspondent aux rares places habitées où des petites clairières avaient été défrichées. Ces lieux d’implantation étaient reliés par des chemins. Etonnamment beaucoup de ces chemins suivent des lignes de visée astronomique ou un découpage géométrique du territoire. Je ne peux pas m’y attarder car cela aussi mériterait un très long développement……
la suite de ce chapitre se trouve dans le livre « Le grand héritage de nos ancêtres de l’âge du bronze »
[1] La formule s’écrit :
2) Toponymes des hameaux et lieux-dits habités :
Ces toponymes sont les plus récents. Ils diffèrent radicalement des toponymes anciens. Ils ont quasiment toujours plus de deux syllabes et on en comprend généralement le sens. Cette deuxième catégorie comporte un certain nombre de noms puisant leur origine dans le patois. Ce sont tous les merveilleux noms qui font le charme de nos campagnes….
article complet dans le livre: Le grand héritage de nos ancêtres de l’âge du bronze
3)Toponymes des bourgs et des villes :
Nous abordons maintenant une nouvelle catégorie de toponymes. Ils différent des toponymes pré-celtiques et des toponymes de hameaux à quelques exceptions près. Ils ont généralement plus de deux syllabes, ils ne proviennent pas d’un patronyme, ils ne proviennent pas du patois, ils ne sont pas précédés d’un article et on retrouve quasiment toujours une étymologie latine ou plus rarement gauloise. Aigrefeuille, Gemozac, Saintes, Montguyon etc, etc, entrent dans cette catégorie. La racine latine est évidente même si parfois elle n’explique pas tout. Ainsi Saint-Jean d’Angély viendrait d’ Angériacum des Gallo-Romains. Le suffixe acum est classique, mais que signifiait Angéri ? On est certainement en présence d’un nom gaulois ou même pré-celtique celtisé qui n’était pas obligatoirement le nom d’un propriétaire foncier (les villages gaulois pouvaient avoir un nom qui n’était pas forcément celui d’un propriétaire foncier, même si cela paraît impensable à certains). En fait, ce qui caractérise tous ces toponymes, c’est leur ancienneté. Bien que plus récents que les toponymes pré-celtiques, ils remontent pour la plupart à l’époque gallo-romaine. Ils ont généralement subi de nombreuses transformations depuis leur origine et ils ont été peu à peu francisés alors que les toponymes plus récents sont français ou patois dès le départ.
C’est également dans cette catégorie de toponymes que l’on trouve la plupart de nos merveilleux saints aux noms si doux. Je tiens à vous en rappeler quelques uns qui ne manquent pas de saveur : Sainte Agathe, Saint Agnant, Saint Aigulin, Saint Antoine, Saint Aubin, Saint Bibien, Saint Blaise, Saint Bonnet sur Gironde, Saint Bris des Bois, Saint Bron, Saint Caprais, Saint Césaire, Saint Ciers du Taillon, Sainte Colombe, Le Petit Saint Coutant, Saint Coux, Saint Crépin, Saint Cyr du Doret, Saint Dizant du Gua, Saint Eloi, Saint Eugène, Sainte Eugénie, Saint Félix, Saint Fort sur Gironde, Saint Froult, Saint Gaudin, Sainte Gemme, Saint Genis de Saintonge, Saint Germain de Marencennes, Saint Gilles, Saint Giraud, Saint Grégoire d’Ardennes, Saint Herie, Saint Hilaire de Villefranche, Saint Hippolyte, Saint James, Sainte Julienne, Saint Jumeau, Saint Léger, Saint Léonard, Sainte Lheurine, Saint Loup de Saintonge, Saint Maigrin, Saint Maixent, Saint Mandé sur Brédoire, Saint Mard, Sainte Marguerite, Saint Martial de Loulay, Saint Martin de Juillers, Saint Médard d’Aunis, Sainte Même, Saint Millon, Saint Mur, Saint Nazaire sur Charente, Saint Nicolas, Saint Ouen la Thène, Saint Palais de Phiolin, Saint Pardon, Saint Pardoult, Saint Porchaire, Saint Quantin de Rançanne, Sainte Radegonde, Sainte Ramée, Saint Richer, Saint Rogatien, Saint Romain de Benet, Saint Romuald, Saint Saturnin du Bois, Saint Sauvant, Saint Sauveur d’Aunis, Saint Savin, Saint Savinien, Saint Seurin de Palenne, Saint Sever de Saintonge, Saint Séverin sur Boutonne, Saint Sigismond de Clermont, Sainte Soline, Le Maine Saint Sorlin , Saint Sornin, Sainte Soulle, Saint Sulpice d’Arnoult, La Gripperie Saint Symphorien………..
suite dans le livre…
4) Toponymes des terres non habitées, champs, bois, marais, forêts, friches etc… :
Cette catégorie de toponymes se distingue encore des précédentes. C’est là où le patois s’exprime le plus. Il y a un terme générique pour désigner ces parcelles : les « fiés ». Ce terme local saintongeais est hérité du fief féodal. Aujourd’hui il permet de délimiter entre elles toutes les parcelles qui composent le territoire non habité. Généralement la topographie, la nature du sol, la nature des essences arbustives, la limite entre bois et champ cultivé, la présence de pierres ou pas, etc… permettent de les distinguer assez facilement…….
suite dans le livre…
5) Toponymes des cours d’eau :
Cette dernière catégorie de toponymes, les hydronymes, est celle qui a été la moins latinisée. Montagnes et rivières existaient bien avant les premiers hommes. Elles avaient un nom déjà au néolithique. La plupart de ces noms ont été celtisés par les Gaulois. Ainsi la Boutonne possède le suffixe gaulois onne (Garonne, Nisonne, Saône, Sébronne, Rhône, Yonne, Vonne…) qui s’attache aux cours d’eau. La première racine Bout ou Vout est de façon quasi certaine néolithique……
suite dans le livre…
Conclusion :
Dans ce petit travail j’ai essayé de définir certaines catégories de toponymes car l’étymologie du nom en soi n’est pas forcément toujours digne d’intérêt. Il m’apparaît beaucoup plus intéressant de savoir si l’on a affaire à un nom extrêmement ancien, à un nom gaulois, à un nom franchement gallo-romain, à un nom patois ou à un nom français récent. Selon leur ancienneté les toponymes proviennent d’une langue différente. Ainsi, chronologiquement, sept langues ont donné naissance aux toponymes de la région : la langue monosyllabique des Mégalithiques, le celte ou gaulois, le latin, la langue franque (Taillebourg), l’occitan, le saintongeais et le français.J’espère que chacun y verra un peu plus clair dans la jungle des toponymes qui sont des milliers. Et j’espère aussi avoir réhabilité les noms que nous ont légués les hommes du néolithique que nous dédaignons le plus généralement alors qu’ils sont réellement nos racines beaucoup plus que les légionnaires romains et qu’ils possédaient un haut degré de civilisation et de spiritualité. Ceci n’a d’ailleurs pas échappé au grand historien contemporain Karl Ferdinand Werner qui a écrit dans son « Histoire de France » : « L’ensemble des hommes pré-celtiques représente sans doute une part considérable dans la constitution génétique comme dans l’héritage culturel des populations postérieures ». Ils sont une des bases de la civilisation occidentale, autant que les Grecs et les Latins. Cet article apporte également des éléments nouveaux pour l’étude des relations entre néolithique occidental et Egypte, ce qui n’est pas surprenant outre mesure puisqu’on trouve des constructions de type mégalithique autour de la Méditerranée, au Maghreb et à Malte, entre autre.
Octobre 1999. La Petite Clie 17400 Saint-Julien de l’Escap
Addenda nov 2005: J’ai pu poursuivre mes recherches en linguistique comparée et j’ai eu la chance de découvrir quel peuple de l’Antiquité avait aussi un dieu Ré. Il s’agit d’un peuple antérieur à l’Egypte et même à Sumer (le dieu des Sumériens était Hel). Tous les linguistes qui se sont penchés sur le « pré-celtique » ont délaissé les autres langues de l’Antiquité et tous les spécialistes des langues de l’Antiquité ont toujours ignoré le « pré-celtique »… Je suis le premier a avoir cherché à établir une relation entre les deux domaines.
Site-web consacré au toponyme Saint-Martin :http://www.liguge.com/topo.html
L’article complet se trouve aujourd’hui dans le livre: Le grand héritage de nos ancêtres de l’âge du bronze aux éditions Pyrémonde.
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