Jean-michel Hermans a sillonné le Sahara, l’Asie et la Saintonge, en quête de populations oubliées, d’animaux fabuleux et d’alignements de mégalithes. Aujourd’hui, à bord du petit train de La Défense, dont il tient le volant et le micro, il fait découvrir l’esplanade aux touristes de passage, au fil d’un parcours qui ressemble au sien : hors les rails !
L’œil presque gris, à l’affût derrière des lunettes en amande, la crinière poivre et sel régentée par un catogan discret, le cheminot de surface de La Défense a bâti une gare imaginaire autour de son quartier virtuel, au pied de la Grande Arche. C’est ici qu’on embarque, six ou sept fois par jour au quatrième top, à bord du tortillard futuriste affrété par la société Promotrain, pour un parcours d’une bonne demi-heure reliant la cheminée tubulaire de Moretti, place des Iris, à l’Icare hiératique de Mitoraj, au cœur du quartier Valmy. Jean-Michel aime les totems qui constellent le quartier d’affaires. Mieux : il aime les faire aimer…
Tours de magie
…Et il s’y entend ! A bord de son engin fuselé comme un TGV (la comparaison s’arrête là !), ce guide hors normes, titulaire d’un doctorat en ethnologie, féru de paléolinguistique* et de cryptozoologie*, lit dans la géométrie de la place de l’Ellipse une référence aux alignements de Carnac et voit dans l’atrium du Cœur Défense un écho à la démesure des pharaons. Au fil du commentaire qu’il improvise, l’adaptant aux attentes qu’il a vite fait de détecter chez ses passagers, les deux tours jumelles de la Société Générale revêtent des allures de vaisseau de science-fiction ; il y décèle le seul angle droit du quartier Valmy, laboratoire de l’architecture la plus moderne du monde. La voûte du CNIT prend des airs de dolmen posé dans un champ de menhirs. En passant, ce natif de la rue Delarivière-Lefoullon, au contrefort putéolien de la grande dalle, nous rappelle qu’il y eut jadis un cromlech dans Nanterre et, plus récemment, une étable à vaches à l’emplacement des Quatre Temps.
Terminus
S’il sait dire merci dans toutes les langues de ses passagers, échantillonnage composite à base de Français de province, d’Italiens et d’Espagnols, de Russes et de Chinois, c’est sans doute à force de se l’entendre dire lui-même lorsqu’il rallie le parvis de la Grande Arche, où s’amarre son serpent de terre. C’est en fin d’après-midi : après qu’il aura fait le bilan de sa journée, le cornac de La Défense reprendra le volant de sa lullubelle, gagnera le boulevard de la Mission Marchand par des rampes bien connues des chauffeurs de taxi, et rapportera son véhicule jusqu’au stade de La Garenne-Colombes, dépôt de nuit du petit train de La Défense. Puis il regagnera Poissy, où il partagera sa soirée entre la nomenclature ésotérique de la toponymie saintongeaise et le mode de vie des Tsiganes du Sahara. « Vous avez déjà vu une offre d’emploi pour un ethnologue à l’ANPE ? constate-t-il philosophe…
* La paléolinguistique est une discipline dont l’adepte se consacre à l’étude du langage chez les ancêtres de nos ancêtres les Gaulois ; Jean-Michel Hermans s’est spécialisé dans les toponymes monosyllabiques de l’âge du bronze au pays de Saintonge… où il aime à voir le berceau de la culture égyptienne !
* La cryptozoologie est une discipline dont l’adepte se consacre à l’étude des animaux disparus, tels le yéti. Jean-Michel Hermans a ainsi découvert une espèce de gros tapir non référencé, dessiné au milieu d’animaux parfaitement identifiables, sur un rocher du sud du Hoggar. Son principal regret : que Théodore Monod ait été frappé de quasi-cécité lorsqu’il lui en montra la photo ! Il fut aussi l’ami de Bernard Heuvelmans, zoologue réputé et « conseiller scientifique » d’Hergé pour Tintin au Tibet.